jeudi 30 décembre 2010

C'est souvent
à bout portant
que je tire des
leçons du passé

Christian Girard (c) 2010

vendredi 24 décembre 2010

SOIRS D'HIVER


Toujours à rêver
d’une fin du monde
je fais de ma tête
une table rase

et je me récure
à grands coups de brosse
le moindre racoin
dans mon petit crâne

avec ça j’arrive
à tout oublier
à oublier que
l’avenir est mince

que l’avenir est maigre
que l’avenir a faim
et qu’il fait la quête
au coin de ma rue

et je perds ainsi
presque tout mon temps
chaque soir dans les
craques du sofa

Christian Girard (c) 2010

Le bilan des yeux

Voici une manière de top 10 de mes lectures au cours de l'année 2010, sans classement, seulement 10 titres marquants. En voici deux (les autres suivront dans les prochains jours).

-Le nazi et le barbier
Edgar Hilsenrath
Éd. Attila


En 2009, j'avais une double révélation. Un nouvel éditeur, Attila, qui publiait son tout premier livre, Fuck America d'Edgar Hilsenrath. J'étais tombé en amitié, à la fois, avec ce romancier génial et cet éditeur inspiré. Et quelques titres plus tard, Attila récidive avec Le nazi et le barbier de ce cher Edgar. Voici mon commentaire de lecture paru dans le magazine Le Libraire :

C’est une farce cinglante, voire troublante, qui couve sous cette couverture bariolée et ce titre intrigant, Le nazi et le barbier. Révélé tardivement au public francophone avec son percutant Fuck America, Edgar Hilsenrath revient à la charge avec un roman qui, dans les années 70, avait fait grand scandale dans son Allemagne natale. Et pour cause! Imaginez : raconter sur un ton quasi badin, quasi burlesque, la montée du nazisme et de la Shoah du point de vue du bourreau! Ce même bourreau qui, pour sauver sa peau à la fin de la guerre, réussit à se faire passer pour juif et à quitter l’Europe pour Israël. Hilsenrath, fabuleux écrivain, nous entraîne ainsi dans une improbable odyssée où l’humour noir, voire féroce, témoigne d’une lucide humanité. 

Par Christian Girard, Pantoute

http://www.lelibraire.org/craque.asp?cat=11&id=5020




-Poèmes anglais-le pays de personne-la fissure de la fiction
Patrice Desbiens
Prise de Parole


Pas une découverte mais une relecture totalement emballante. J'en profite pour saluer les éditions Prise de Parole et leur bonne idée de rééditer les recueils de Patrice Desbiens. Ce dernier demeure un de mes poètes préférés, toutes nationalités et époques confondues. Chez lui, la forme et le fond ne font qu'un et nous donnent à lire une poésie prenant la mesure du réel de manière à la fois déroutante et banale, évoquant, entre autres choses, son expérience de Franco-Ontarien pris dans l'aliénante utopie du bilinguisme à la canadian. 


En voici un extrait :


Mon pays est une
carte de Noël
imprimée aux
États-Unis.
Mon pays est un
conte de Noël
récité par Émile Genest
au Monde merveilleux
de Disney.
Dans mon pays
les hommes sont
des hommes et
les femmes sont
nerveuses.
Dans mon pays
il y a des oiseaux de mer
qui n'ont jamais vu
la mer.
Dans mon pays 
poète rime avec...
...rien...
Je fouille dans mon
dictionnaire et
je me foule la langue.
Les mots dorment
à l'envers dans ma
bouche comme
des chauves-souris
dans un clocher.
Je suis visité par
le blues et le blues
n'a pas de couleur.
Le blues cherche sa
blonde et sa blonde
a eu un accident
de voiture.
Mon poème devient une
chanson de 
Bruce Springsteen
sur une musique de 
Lucien Hétu.
Le vrai nom
d'Alice Cooper est
Vincent Fournier.


Patrice Desbiens
Poèmes anglais...
Éd. Prise de Parole
2010


Christian Girard









lundi 13 décembre 2010

Clin d'oeil (à Paul-Marie Lapointe)

j’écris oeil
bourgeon
largesse de la naissance
oeil nu écarquillé croqueur de soleil   jongleur de couleurs
oeil magique
reliefs de l’invisible

regard chaud  beaux yeux
foudres des coeurs  offrandes
bijoux d’âme  bijoux précieux
beaux comme des miroirs

j’écris oeil  orbes   globes
planètes jumelles  enracinées dans l’être
planètes affamées de paysages
planètes fragiles
inondations
mauvais vent

j’écris oeil   phare et mirador au coeur de la tempête
barque à la dérive
vieux regard en trombe
cascades du temps
mauvais oeil   prisons de verre

j’écris oeil
oeil pour oeil   monnaie pour la dent dure des vengeances
oeil sombre  oeil seul
roi inquiet
dans un royaume de ténèbres

j’écris oeil   oeil sauvage et doux
harnaché dans les villes
les sillons de l’histoire

oeil-de-boeuf   froid mystère que l’on dissèque
oculus   buveur de lumière
bille d’enfance enfouie dans nos poches
opaline secrète
réservée aux étoiles

j’écris oeil
pour le bilan
des yeux

Christian Girard (c) 2006

dimanche 5 décembre 2010

TEMPS ENNEMI

Avec ton air crotté
tes airs de minimum
et d'animal traqué
par des tas d'horreurs fixes

Et ce vieux goût de vivre
qui te remonte à la gorge
comme une intense montée
de vieux lait passé date

Tu t'en vas seul passer la moppe
à l'abattoir de Cythère

Christian Girard (c) 2010

mardi 30 novembre 2010

Ma parole est sale
comme un novembre
en ville
sous la pluie

les autos m’encombrent
et m’éclaboussent
et je cherche un morceau de ciel
quelque part au fond de moi

osti qu”il fait frette
et j'ai les os lourds
comme une attente

Christian Girard (c) 2010

lundi 29 novembre 2010

QUAND LA BOMBE ÉCLATERA (Poème de Frantisek Halas)



Elle rampera toujours
traçant des rides dans la boue
Elle s'ouvrira

La moule

Pâle sexe des eaux

Tout recommencera
dans l'indifférence des premiers poissons
les étoiles
plancton des poètes d'autrefois
frissonneront d'ennui
dans le sperme des nébuleuses

Frantisek Halas (c) 1957
Traduction de Petr Kral

mercredi 24 novembre 2010

Un poème de Achille Chavée




Mon interlocuteur avait
soixante bras de prophétie
et trente paires de couteaux
Moi
l'imprudent
j'étais seul
avec ma petite ligne de vie
qui tenait modestement dans ma main


Achille Chavée
(Tiré de À cor et à cri, Éditions Labor)
Les lieux communs nous avalent.

Christian Girard (c) 2010

samedi 20 novembre 2010

L'heure est venue
de faire le tri

de bien ranger
les tranches de vie
qui sèchent
sur le comptoir

traînant
parmi les bills
et les refus

Christian Girard (c) 2010

dimanche 14 novembre 2010

LE BORD ENSOLEILLÉ DE LA RUE (POGUÉSIES)




J’ai vu le carnaval à Rome
J’ai eu des femmes, j’ai eu du booze
Mais tout ce dont je me souviens
Ce sont des petits enfants sans chaussures
Alors j’ai vu ce train,
J’ai sauté dedans
Le coeur plein de haine
Une envie de vomir
Et depuis je me tiens du bord ensoleillé de la rue

J’ai enjambé des cadavres à Bombay
Tenté la même chose aux U.S.A.
Pour finir au Népal
Sur le toit du monde et rien à faire là
Et ce jour là j’ai su
Que j’allais rester
Ici où je suis, du bord ensoleillé de la rue

J’ai été dans les Palaces, j’ai été dans les prisons
Je veux juste pas me réincarner en colimaçon
Je veux juste passer l’éternité
Ici où je suis, du bord ensoleillé de la rue

À trop voir ma mère pleurer j’ai juré
De vivre ma vie comme on se fait une pute
Je sais que je suis meilleur qu’avant
Je serai irrécupérable
Et resterai toujours ici
Du bord ensoleillé de la rue

Shane  MacGowan (c) 1990
Traduction : C. Girard 2010

mardi 2 novembre 2010

L'ENTRE-SAISON (GÉRALD GODIN)












Vienne novembre
aux portes de la ville morte
les nuages se bousculent
hargneux comme des bêtes

j'entends le frisson
de la terre agonisante
les champs transpirent
comme les morts

novembre maladif mon frère
qui tremble de froid
le vent là-haut perché
attend tel un charognard

Gérald Godin 

Extrait de Ils ne demandaient qu'à brûler. Poèmes 1960-1993
2001, Éditions de L'Hexagone.


dimanche 31 octobre 2010

C'est en rasant les murs
que le temps passe
et c'est comme un voleur
qu'il emporte avec lui
les gants blancs
du souvenir

Christian Girard (c) 2010

samedi 9 octobre 2010

Otages
de nous-mêmes

Nous parlons
souvent
d'évasion

Christian Girard (c) 2010

vendredi 1 octobre 2010

J'écris des mots

J’écris des mots
De mémoire d’homme

Des mots vagues
De petit homme
Perdu dans l’espace

Des mots sans adresses
Ni contours

Des mots de clarté
Dans le poing des cœurs
Et le gouffre des yeux

Des mots de silence et d’éternité
Des mots de poussière
D’extase et de pleurs

Des idiomes palpitants
Dans la main des nerfs
Et du sang

Des mots de toujours
Qui n’ont plus œil
Ni sagesse
Et qui s’accroupissent
Dans les huis clos
De l’en dedans

Des mots qui vrillent
Têtes baissées
Jusqu’aux confins de nous-mêmes

Des mots de torture
Aveuglés de lumière
Dans l’anti-chambre
Des désirs

Des mots qui crépitent
Dans nos solitudes
Sans bornes

Des mots de crachats
Fleurissant sur les tombes
Où l’on accoure
En pleurant

Des mots qui s’érigent
Monumentaux
Dans la pierre du temps

Des mots sans appel
Qui déjouent les calculs
En sculptant des espaces
Dans ce qu’il reste
De nous

Des mots pour mourir encore
Et crever l’abcès des mémoires
Pour renaître à soi-même
En catastrophe

Des mots qui tanguent
Aux confluents des os

Des mots pour dresser l’horizon
À chaque avancée

Des mots
Comme des armes
Dans les main du désespoir

Des mots de mémoire d’homme
De mémoire incandescente

J’écris des mots
Qui reviennent 
Sur terre

Christian Girard (c) 2006


mardi 28 septembre 2010

Ce n'est qu'en ambulance
qu'on me verra
un jour
me rendre
à l'évidence

Christian Girard (c) 2010

mercredi 15 septembre 2010

Les paroles s'envolent et font sur nos têtes.
Christian Girard (c) 2010

mardi 14 septembre 2010

Et le Verbe s'est fait chier.

Christian Girard (c) 2010

dimanche 12 septembre 2010

MAGNIFIQUE LOSER

pour L. Cohen

Il arrive que mes bulles de gomme
Se mettent à sonner comme du Mozart
Surtout quand je sens que ce soir
Tout va pour le mieux

Et qu’à défaut d’être beau
Visage brûlé par l’amour
J’ai au moins la musique
Qui me donne le swing
Pour déambuler
Sur Boogie Street
Le coeur allège

Et pour tenter ma chance
Dans ce maudit métier
Qu’on appelle
Liberté

Quitte à me perdre

Magnifiquement

Christian Girard © 2010

samedi 11 septembre 2010

MA LANGUE EST MÛRE POUR LE SILENCE

Nue
Comme un rocher
En forme
De cri

Saumon fourbu
Qui détalait
À toute allure
Comme à rebours
Dans l’eau de rose
De mes cauchemars

Cheval sauvage
Tout fatigué
Que je chevauche
À travers siècles
Et continents

J’ai mis des vies
À m’arracher
Tous ces labours
Ces battements de cœur
Battant mes flancs
Comme un mot bat
Ses parenthèses

Et le silence a mis des ailes
À vous pétrir tous les instants

Christian Girard (c) 2006

lundi 6 septembre 2010

Drinking Song (Jim Harrison)

I want to die in the saddle. An enemy of the civilization
I want to walk around in the woods, fish and drink.

I'm going to be a child about it and I can't help it, I
was born this way and it makes me very happy to fish and drink.

I left when it was still and walked on the path to
the river, the Yellow Dog, where I spent the day fishing and drinking.

After she left me and I quit my job and wept for a year
and all my poems were born dead, I decided I would only fish and drink.

Water will never leave earth and whiskey is good for the brain.
What else am I supposed to do in these last days but fish and drink?

In the river was a trout, and I was on the bank, my
heart in my chest, clouds above, she was in NY forever and I, fishing and drinking.

Jim Harrison, Outlyer and Ghazals, 1998

vendredi 3 septembre 2010

Il fait froid dehors...-Mon enfant nu sur des gars laids


Il fait froid dehors, le café se boit très lentement
Rock-détente mur à mur
Question à soi-même : “et si tu n’existais pas?…”

Le temps passe en rasant les murs comme un fou
Exténué de tourner en rond avec les gestes mécaniques
D’une colère blasée en pénitence au fond d’un trou

Les serveuses vont et viennent avec des pas 
Évoquant d’éléphantesques ballerines
Qui se dandinent parmi les tables, les chaises
Et sous les néons trop lumineux de ce snack-bar

 Leurs sourires sont arqués
Comme des arcs fatigués           
Aux flèches émoussées
Par des mercis forcés

Mon reflet dégouline
Sur la boîte à Napkins
Tandis que je bois mon café beige
Éberlué, statufié de mariner ainsi
Dans cette sauce commune
Ce quotidien rempli de tortures
Lentes
Et insidieuses

Je voudrais m’intéresser
Aux Serres chaudes
De Maurice Maeterlinck
Mais ce qui rôde
Autour
C’est toujours
Et encore
Du 107,5
Dégoulinant
Du plafond
Comme un torrent de guimauves
Fondues sur ma tête

Ça s’infiltre en moi
Et ça gicle de partout
Tous ces bouts de vers que j’arrache
À des chansons qui s’étiolent
Et se font cadavres exquis
Et déambulent dans mon esprit
Comme une armada
De zombies fatigués
Dont les corps rejettent
En pelures frippées
De nouveaux vers
Que je m’empresse
D’étriper

Des vers vidés de leur substance initiale
Qui par la magie malade
Des homophonies
Et des calembours
S’incarnent autrement
Et diffusent des images inédites
Dans mon cinérama intérieur
Et qui n’auraient pu naître
Sans le concours de cette même magie
Dont la source semble émanée d’un drôle de sorcier
Un chamane hystérique
Et masqué
Ostensiblement
D’une gueule de bois en plomb
Gossée par Monsieur Parkinson
Lui-même

C’est alors que,
Emporté par la marée grotesque
De ce délire,
J’oublie
La café beige
Que j’étais à boire
Le snack-bar
Et ces éléphantesques ballerines
Qui en sont les fines fleurs
Maeterlinck
107,5
Et m’enfonce avec élégance
Dans la fange inconsciente
Exprimée de la substance même
De cette logorrhée
Que je me mets à retranscrire
Parmi les autres clients
Acculés à leurs chaises
Comme des paquets de linges sales
Dans une chambre en désordre

Et cette marée
Se mélange
À mon reflet qui toujours dégouline
Sur la boîte à Napkins
Et m’emporte
En drainant dans sa course
Un vers de Francis Cabrel
Et me dépose au seuil
De quelque plage
Longeant la Manche
Où se déroule une scène
Dont voici le récit….

…Mon enfant nu sur des gars laids

Mon enfant nu
C’est Bécassine à poil
Avec seulement sa capine
Couchée
Sur un monticule
De gars laids
De Marines
De Canadiens-Français
De cadavres défigurés par la guerre
Sur quelque plage bretonne
Ou normande
On ne sait plus
Exactement où
Vu la tournure des événements
Des bombes, des gaz, des guns
Qui sont passés par là

Tout le sol n’est que galets couverts
De vomi, de sang, de boyaux
Une assiette où vont choir les restants
D’un étripage sans bon sens
Et Bécassine est couchée
Dans les pâmes
Et se roule la bille
Et ses yeux se révulsent
Dans un décor qu’on a défiguré itou

Bécassine exhibée
En cerise érotique
Sur le sundae de la mort
Brutale et foudroyante
Enveloppée par la brume épaisse
Du combat terminé
Opaque et grise et noire
Dans une ambiance
De soleil ravalé
Qui aspire en lui-même
Sa propre lumière
Sa propre chaleur
Et se terre dans le ciel
Et ne pardonne pas
À ceux qui l’ont offensé

La grassouillette ménagère
La Bretonne soubrette
Adore âprement cet état
Se broutant, se têtant, se râclant
Dans les relents fétides
De la mort incurable
Et ses instruments de ménage
Sa moppe et sa chaudière
Et ses guenilles et ses torchons
Sont éparpillés tout autour
Du monticule délabré
De bras et de jambes et de têtes et de troncs
Amoncellés, épars

Elle adore les chapeaux ronds
Des soldats Canadiens
Autant que leur accent désuet
Désolé, démembré
De fauve improbable et blessé
Leur misère noire à couteaux tirés
Qui se niche en eux
Et les dévore

Elle adore l’exhalaison
De ces âmes
Qui tournoient tout autour d’elle
Dans un élan qui rappelle
La corneille aveugle
Et la volaille de Dieu
Toutes entremêlées
Dans un ciel d’apocalypse
Déclinant

Elle trône ainsi
En convulsions
En contorsions inouïes
Sur la pyramide à steaks
Ratatinés comme des citrons pressés
D’en finir au plus sacrant
Et qui jettent quantité de sang
En petits fleuves
Sur la plage en galets
Comme un arbre exhumé
cracherait desespérément
ses racines sur un sol
Qui le rejette

C’est alors une ambiance
De mort de Dieu
Qui s’installe
Et dans le ciel le soleil a l’air
D’un Sacré-Coeur pourrissant
Et jutant sur la terre

Tout jute et Bécassine
N’est pas en reste
Et ça gicle
Comme un diamant tombé d’un coffret
Depuis son corps jusqu’au tas de morts

Le ciel la prend dans ses filets
Comme un poisson nerveux
Qui s’éléve et volette
Lentement lentement
Ses mains partout sur son corps nu
La capine agitée par le vent
Comme une soeur volante
Sur un ex voto
Pornographique

On entend le choeur des vagues
Maugréer des clapotis minables
Au cours de cette ascension
De Bécassine imbibée
De son propre plaisir
Et disparaissant lentement
Dans un ciel qui se vide
Et laisse la place
À la nuit qui tombe
Froide et lente
Comme une guillotine
Au ralenti
Christian Girard (c) 2008

jeudi 2 septembre 2010

On s'en sort pas

On ne sent plus que des chimères
Qui nous courbent le dos
Nous racontent les rumeurs
D’un autre tantôt
Quand nos coeurs pendaient
Comme des leurres
Dans les cages
De nos corps

Nous dévalons
À travers les embuscades
Vers les treillis de nos angoisses
Où séchent nos mille morts
Anonymes

L’éclat du jour n’est pour nous
Qu’un sac d’or qui éclate
Au-dessus de l’égout
Du temps

Et la nuit s’étire dans nos matins
Comme une autoroute
Au milieu de nulle part
Et qui nous emporte
De loin en loin
Dans la vague obscurité de nos silences

Silhouettes et mots qu’on effleure
Dans l’aveuglement partiel
De tous nos désirs
Insoutenables 
Christian Girard (c) 2008

jeudi 26 août 2010

Mon imagination prend parfois l'allure d'un chien battu que j'avais d'abord cru savant.

Christian Girard (c) 2010

samedi 21 août 2010

LA NEUVAINE DE LORCA (POGUÉSIES)


Ignacio se mourait sur le sable allongé
Dans sa main moribonde une rose agrippée.
Et les femmes pleuraient à voir ce héros mort
Tandis qu’au ciel s’attroupaient de grands oiseaux noirs.

Les années ont passé, sont venus les tueurs
Fusillant les hommes sur le mont des douleurs.
Et parmi ces derniers, Lorca, le fif poète,
Qu’ils ont executé un canon dans les fesses.

Les tueurs étaient là pour mutiler les corps,
Ils ont fui vers la ville effrayés par la mort.
Lorca l’avait prédit son corps s’est échappé
Et on n’entendit plus que des femmes prier.

Mère de toutes joies
Mère de toutes peines
Intercède en sa faveur ce soir
Pour tous nos lendemains
Shane MacGowan (c) 1990
Traduction libre : Christian Girard (c) 2010






"His poetry reads beautifully, and it was his area we were in. He was a popular poet in the same way that a lot of Irish poets were, in that he wrote in ballad form and wrote about what was going on among the people. His poetry doesn't come from intellectual thought, it comes from the connection between emotion and seeing and feeling. The other thing about him is that he was a faggot, and during the Civil War the fascists went round pulling out all the Republican sympathisers they could find, and they got Lorca and shot him along with a lot of others, but because he was a faggot they rammed the gun up his arse and walked away laughing. But Lorca predicted his own death: he said that his body would disappear and that's exactly what happened and they never found it. He's a big folk hero in Spain and a brilliant poet."
-Shane MacGowan à propos de Federico Garcia Lorca



lundi 16 août 2010

À MON TI BOBO

Dans mon œil une poutre
Est venue s'introduire
N’ayant rien d’autre à foutre
Je l'ai pris pour t'écrire :

Les oiseaux chantent faux
Le parfum de leurs cris
Est celui d’un rameau
Tout sec et tout pourri.

Dans mon vieux poulailler
Mes phénix sont rôtis.
Mes poules ont pogné
Oh ! mon dieu, des caries !

Ti-bobo, ti-bobo
Que je gratte et regratte
En écrivant ces mots
Combien je te regratte.

Christian Girard (c) 2006
Tu entres en moi comme un souffle
Qui sait nouer mes fureurs
En un bouquet
Fleurissant ma besogne de vie

Tu entres en moi comme un cri
Et ton chant peut faire mal
Comme un coup de fusil
Met au monde une salve d’oiseaux

Tu entres en moi sans parler
Tes gestes sont des miroirs
Des rivières de moi-même
Dénouées de la fosse où mon cœur s’égosille

Tu arpentes mes clameurs
Sur le fil de mes jours
En scrutant mes vertiges
Jusqu’en mes taudis d’âme

Tu erres en moi
Le ciel en bandoulière
Comme un enfant sait porter Dieu

Tes pas sont dans ma nuit
Une musique à faire taire
Ces sangles d’espace
Qui triturent mon ennui
Et me varlopent l’existence

Tu pénètres en moi
Comme on perce un mystère
Pour l’ouverture des yeux
Et m’apprendre à me tenir debout

Sur le tremplin de mes paupières

Christian Girard (c) 2006
La ville où je m'enfarge
sans jamais de répit
en cherchant mes racines
sous les fleurs du tapis

Christian  Girard (c) 2010

mercredi 4 août 2010

LES GARS DU COMTÉ DE L'ENFER

Le premier jour de mars, il tombait un torrent
Jamais j’aurais pu croir’ qu’il puiss’ pleuvoir autant
J’ai bu dix pint’s de bière, insulté les clients
Tout en souhaitant que tout’ cett’ pluie s’décide à sacrer l’camp

Passe-moi un 10 pis j’te paye un drink!
Pis maman réveille-moi tôt demain matin!

Dans l’temps je travaillais pour mon propriétaire
C’était le pire trou d’cul qu’on avait vu sur terre
L’idée de perdre une cenne lui faisait ben d’la peine
Ce misérable crotté maudit bâtard d’enfant d’chienne

Passe-moi un 10 pis j’te paye un drink!
Pis maman réveille-moi tôt demain matin!

J’me souviens qu’un dimanche on l’a pris dans un coin
On l’a pogné dans l’dos et battu comme un chien
J’sais pu si c’tait un rêve ou la réalité
Tout c’que je sais c’est qu’aprés ça j’étais encor’ cassé

Passe-moi un 10 pis j’te paye un drink!
Pis maman réveille-moi tôt demain matin!

Astheur sur mon balcon j’ai la plus bell’ des vues
Je watch tous les junkies et les put’s de ma rue
Avec six bell’s bouteill’s, des cadavr’s côte-à-côte
J’aim’rais en criss’, j’aim’rais en criss’ ‘n avoir au moins quinze autres

Passe-moi un 10 pis j’te paye un drink!
Pis maman réveille-moi tôt demain matin!

Pis quand ma gang est saoule, on est tout après toé
On veut te charcuter, on n’a rien à crisser
Mon père était facho, ma mère une madame
Mon frère a eu des médailles pour des viols au Viet-Nam

Passe-moi un 10 pis j’te paye un drink!
Pis maman réveille-moi tôt demain matin!

Le premier jour de mars, il tombait un torrent
Jamais j’aurais pu croir’ qu’il puiss’ pleuvoir autant
Tu f’rais mieux d’te watcher, tu peux jamais savoir
C’qu’on peut te fair’ nous autr’s les gars du Comté de l’Enfer

Passe-moi un 10 pis j’te paye un drink
Pis maman réveille-moi tôt demain matin!
Shane MacGowan (c) 1985

vendredi 30 juillet 2010

Le misanthrope imaginaire, c'est moi!

Christian Girard (c) 2010

dimanche 11 juillet 2010

sans titre

J'ai le regard furieux
d'un ange au chômage
et mon sang fait naufrage
sur le miroir du monde

Christian Girard (c) 2010

samedi 10 juillet 2010

UN DE PLUS

Il y a trop de poèmes
qui nous parlent
de poésie

Christian Girard (c) 2010

jeudi 1 juillet 2010

La vérité sur la Guerre de Troie


Dans l’Iliade Homère a fait du rapt d’Hélène
Le vrai feu aux poudres des chicanes troyennes.
Sans vouloir critiquer la beauté de son chant
Nous savons aujourd’hui qu’il était dans le champ.
Il avait negligé un détail d’importance
C’est que le rapt d’Hélène (O! Quelle manigance!)
Dissimulait en fait un conflit de marchands-
Le commerce des oeufs en était le ferment.
Au nez et au grand dam de tous les gens de Sparte
Troie avait voulu mettre son cul sur la carte
En usurpant pour soi le plus grand monopole
Du plus blanc derivé des produits avicoles.
C’est ainsi que naquit la célèbre escarmouche
Qui fascine à jamais les enculeurs de mouches.
Mais grâce à ces derniers nous détenons des preuves
Expliquant les débuts de cette usine à veuves.
Il faut savoir bien sûr que des fouilles récentes
Ont permis d’exhumer une pub arrogante.
C’est un simple panneau qui créa cet émoi.
Sur ce panneau est écrit: JAMAIS D’OEUFS SANS TROIE!

Christian Girard (c) 2010

Casse-tête (poème de jeunesse)

Notre amour est peut-être
Un fameux casse-tête
Mais je voudrais au moins
T'entendre admettre
Que le morceau de mes mains
S'assemble à merveille
À celui de tes seins

Christian Girard (c)  199...

jeudi 24 juin 2010

LES SOMBRES RUES LONDONIENNES (POGUÉSIES 2)




J’aimais me prom'ner dans la bris' de l’été
Sur Dalling Road, ses bordées d’arbres morts,
Boire avec mes chums au Hammersmith Broadway
Délicieux vieux jours de soûl'ries en-allés.

Quand l’hiver revenait j’aimais tell'ment ça 
Les pubs, les tavern's où l’on perdait notre temps
Les vieux qui chantaient “When The Roses Bloom Again”
Et qui bourgeonnaient comm' des feuill's au printemps.

Astheure quand revient l’hiver je n' support' plus le frette
Qui déboule dans les rues autour du temps des Fêtes
Je suis mal amanché et n’ai plus une maudite cenne
Pour errer dans les sombres rues londoniennes.

Et chaque fois que reviennent les premiers jours d’été
Ça me ramène à la place où les fous sont enfermés
Et drogués jusqu’à l’âme avec le regard creux
Et à combien tout cela ne vaut plus rien à mes yeux.

Shane MacGowan (c) 1984

vendredi 4 juin 2010

SAINT-ROCH

Pigeon mort
Poulet Fusée

*

un quêteux égraine
son chapelet
sur une chaîne
à cadenas

Christian Girard (c) 2010 

mercredi 26 mai 2010

BEAUPORT (extraits d'un interminable chantier)




C’était un jour très long. Trop. Toute cette période de ma vie me semble avoir été ce jour sans fin hésitant entre l’hiver et le printemps, le cul vautré dans la slush brune et les yeux plongés dans la dense grisaille du ciel de février. À cette époque j’apprenais l’ennui et disposais de tout mon temps pour en faire un apprentissage exhaustif. Pas d’argent, pas de travail, pas de blonde et Beauport comme perimètre de mon oisiveté casanière. Je bénéficiais alors des grâces inconditionnelles qui sont le propre des mères quand elles sont gentilles. Ainsi, dans la jeune vingtaine, il me semblait que ma vie était un trip de PCP déclinant lentement, un trop long lendemain de veille stallé depuis trop longtemps à Sainte-Thérèse-de-Lisieux. 
Je m’étais poussé de l’école avec l’appui d’une psychologue pour cause d’anxiété sociale et la plonge dans les restaurants m’avait depuis longtemps dégoûté. Bref, j’étais dans les derniers retranchements d’une adolescence qui n’en finissait plus, comme diraient certains. Mais moi, j’étais ailleurs, quelque part parmi ma collection de gueules de bois (que j’avais acquis avec la coopération de quelques amis salariés ou prêts et boursiers) , quelques livres et quelques disques. Une sourde urgence aux fins indéterminées me tâlonnait chaque jour, Big Brother impitoyable épiant tout ce temps perdu à rêvasser. J’écrivais donc des poèmes.

Poèmes éparpillés par terre
Un arbre a trop rêvé
Feuilles mortes

 Je tentais de tromper la vigilance de cette indicible crotte que j’avais sur le coeur au moyen d’envolées lyriques des plus aléatoires et qui, pourtant, tenaient compte de cet état.

Les enfants que nous aurons
Seront singes pathétiques
Sculptant d’étranges miroirs
Tout le long des longs couloirs
D’un hôpital psychiatrique.

Mais pour l’instant
Je vais me saouler d’angoisses,
Me laisser exploser
Dans un rire aux éclats
Devant des bêtes horribles…

Toute une cosmogonie intime prenait forme entre le monde et moi, une armada de repères étranges, de créatures difformes, de caricatures, venait peupler le réseau d’échanges entre ma pensée et le monde extérieur. Aussi, j’écrivais comme on expulse une diahrée et souvent c’était objectivement tout près de la merde.

J’aboutis à des cris
Des lueurs fanées qui s’estompent
Des cortèges de miroirs grimaçants
D’ordures en ordures
Toujours en syncope

J’abrutis mes esclandres

Je tente d’admirer un oiseau
Symbole horrible aux yeux narquois
Sa clameur éclate au soleil
Comme un horizon d’Hiroshima

Je ne sais ce que j’écris
Moi, j’éclate
Comme un torrent de vie
Vomi par une statue
Tragique et figée
Comme inutile

Baudelaire et Denis Vanier se bagarraient dans mon esprit sur une musique de Bo Diddley. Les surréalistes débarquaient au milieu de l'échauffourée, armés de monocles, de cannes et de chapeaux melons, vociférant des ordres impératifs et sibyllins. Un joual galopait dans mon crâne en hénissant l’argot parisien de Bruant. Et les fantômes de mes courtes amours émanaient de chaque fissure de mon esprit en susurrant des paroles de Gainsbourg. 
J’assistais à tout cela comme vautré en un fauteuil de cinema. D’ailleurs, j’avais une description très précise de ce cinéma et de ses cinéphiles. C’était une salle délabrée dans un bâtiment désaffecté, les toiles d’araignées y jouaient les guirlandes et les sièges étaient occupés par des anges faits d’un plâtre cheap qui s’écaillait. Leurs ailes étaient rabibochées par du tape à hockey. Moi, toujours vautré, j’avais la sensation d’être couvert d’un vieux placentas déchiré sur lequel une épaisse couche de poussière avait élu domicile. Dans l’obscurité quasi totale, la seule chose qui se présentait à ma vue c’était le mot EXIT en lettres rouges sang, lumineuses, en suspend dans le noir.  Nulle envie d’aller me noyer dans le verbillage psychanalytique afin d'analyser ces visions, j’avais alors pris le parti, et je persiste encore, d’une simple réaction esthétique à un monde que je refusais, une architecture de mon isolement. Le réél était pour moi une maison hantée. Et je parlais toujours de mon éclatement, d’une explosion de moi-même, pressurisé par l’angoisse du monde extérieur.
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Emporté par mon cafard
J’ai pris l’arche de No Way
En solitaire un certain soir
Sous un plafond plein d’araignées

Et puis l’aube est apparue
Et se croisant les rayons
Le soleil boudait au dessus
De l’arche et de ses longs sillons

J’observais par la fenêtre
Le désert qui m’entourait
Et je me sentais disparaître
Un peu, beaucoup et à jamais

Lentement je m’enfonçais
Jusqu’à voir se poindre au loin
Sur cette mer de boue séchée
Des bâtiments du genre humain

J’ai donc stoppé ma ballade
Lorsque j’abordais  ce village
Un grand silence, un peu malade
Avait vomi ce paysage

 C’était le début d’un retrait du monde, un move inachevé. Un retrait? Je dirais plutot une tentative de le décrypter tout en le larvant. Tout était cendres et poussières, ténébres ou grisaille. De cet état des lieux se modelaient des personnages farçis de symboles. Des fleurs dégueulasses poussées sur un tas de fumier qui ne l’était pas moins, fumier engraissé souvent par la fiente de l’esprit qui vole, le calembour.
Par exemple, j’avais la fée Néant pour compagnie, la reine des salons de banlieue, trônant sur un sofa modulaire avec les façons distinguées d’une larve hystérique et dont la baguette magique n’était rien d’autre qu’une télécommande full equiped. Sa caboche avait tous les aspects d’une vieille chique de gomme à laquelle on avait greffé un minou de poussière puisé à même le dessous de mon lit. Tête affreuse exhibant un sourire gossé par des doigts pressés d’en finir. Des yeux aussi chaleureux que deux boules de pétanque agrémentées pour chacune d’un trait vertical de crayon feutre brun. Et sa robe était un ramassis de guenilles desquelles dégoulinaient, en guise de coquetteries, des trainées de sperme séché et laissait deviner un corps maigre et tordu à la peau grisâtre comme un fond de cendrier mal lavé.

Des serpents
Comme des 5¢
À ses pieds
Font la pose
Et leurs têtes glacées
Font scintiller leurs crocs
Qui s’aggripent goulument
Dans une forme close
À leurs queues sidérées
Par le poids de leur peau
je consignais ainsi ma léthargie sociale au lieu de rêver d’un beau char de l’année ou d’un clair de lune à Jasper.
Christian Girard (c) 2010