lundi 28 mars 2011

NW3 (POGUÉSIE)

C’était en 1962
J’avais quitté l’école depuis 2 ans
J’étais monté à bord d’un bateau
En partance pour Liverpool
Le jour de mon départ
Je m’en souviens très bien
J’ai dit au revoir à l’Irlande
Plein d’adieux émouvants 

Dès lors j’ai mordu la poussière
C’était en 1963
Je livrais des plats à domicile
dans le quartier NW3
Je terrorisais des mémés
Pour quelques piastres par semaine
J’étais saoul, défoncé
Et complétement jammé
Dans le NW3

Vivant dans la crasse et la pisse
Ils voulaient parfois humer l’air
Ou parler des langues démentes
Prisonniers de leurs chaises
Et sur leurs poignets un numéro
de la Westminster Morgue
Pour une dalle froide et dure
Quand j’étais toujours jeune homme
Dans le NW3

Au sommet de la route de Pentonville
J’observais le soleil se coucher
Et la ville qui s’étendait devant moi
Me semblait des plus fabuleuses
Loin de tous les pleurs
De la souffrance et de la mort
Je rêvais d’avenir
De jeunesse et de liberté

Mais les années passent vite
Et je ne veux plus me trouver ici
Où chaque jour me rapproche
De la misère finale
Mes enfants ne gratteront jamais de merde ici
Et je ne veux pas mourir pleurant dans une pinte de bière
Ou manger leurs puants plats à domicile
Dans le NW3

Shane MacGowan (c) 1987
Trad. Christian Girard (2011)

mercredi 23 mars 2011

La madame dans l'autobus

Sa jeunesse a bien failli
la gober toute crue
mais l’a finalement
recrachée à la rue
comme un bout d’os
maigre et laide et
sur l’aide-
sociale

depuis ce jour
elle est montée
dans un autobus
qui semble à jamais
condamné
à faire le tour
du quartier

dans cet autobus
je l’ai vue
un autre jour
sortir de sa sacoche
le grand amour foudroyant
format poche et
tout froissé

elle en a commencé la lecture
et au fur à mesure
qu’elle avancait
je l’ai vue
se mettre en rage
et déchirer chaque page
et les fourrer violamment
dans la gueule de
sa sacoche

un peu comme
quand elle était petite
et qu’elle effeuillait
des marguerites

la rage en moins

du moins

j’ose
espérer





Christian Girard (c) 2011

mardi 15 mars 2011

LES DUNES (POGUÉSIES)

Marchant plus tôt sur le froid rivage
Où j’ai vu quand j’étais plus jeune
Se faire enterrer dans le sable
Les morts de la Grande Famine

Bien qu’étant fils de médecin
Je les fixais tout ébahi
Emportés par ce mal de chien
Qui venait avec la Famine

J’ai tout vu ça à quatre ans d’âge
En dix-huit-cent-quarante-sept
Ces dunes dressées sur le rivage
Touchant le ciel de leurs crêtes

Le vent, la pluie les ont travaillées
Les dunes se sont écroulées
Les enfants les ont piétinées
Et les os se sont révélés

Mes frères et mes soeurs sont tous morts
Ma mère à l’âge de vingt-quatre
Et moi, seul survivant, j’ai pu voir
Se remplir les champs d’patates

Volant le grain tandis qu’on crevait
Pour le mettre sur leurs tables
Les mourants couvraient les morts de sable
Et dansaient tant qu’ils le pouvaient

Nous buvions tant que jouait l’violon
Et mangions les dernières baies
Puis le chapelet, génuflexions
Près d’ceux qu’on v’nait d’enterrer

J’ai vu des ombres surgir du sable
Et danser tout autour des dunes
Danser des claquettes macabres
Sur le rythme de tristes tounes

Le ciel s’est déchiré dans un éclair
La pluie sur les dunes est tombée
Laissant là où je les ai tués
L' huissier et le propriétaire
Je suis parti boire un verre

Shane MacGowan (c) 1995
Traduction  : Christian Girard (2011)


lundi 7 mars 2011

Nous avons
la tâche immense
et le repos
difficile

ne nous manque
qu'un avenir

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c'est pour un peu d'attention
que j'ai mis ma main au feu


Christian Girard (c) 2011