jeudi 31 juillet 2014

LES ILLUSIONS TERNIES


Je renifle à l’occasion
la bonne occasion :
je mets tout dans le même tas -
le rêve, l’envie de mourir,
l’humour, l’envie de disparaître,
le désir d’argent, la mélancolie,
l’amour, l’abattoir, etc... -
je secoue le tas d’un grand coup de pied,
je fais des pieds, des mains,
je dresse mes beaux grands chevaux,
je grimpe dans tous les rideaux
et je salue au loin la terre promise
qui ne m’apparaîtra sûrement jamais.

Christian Girard (c) 2014


dimanche 25 mai 2014

DE QUOI AVOIR PEUR


On apprend jeune à crier au meurtre
les délices n’ont pas d’emprise sur nous
et nous ne calculons pas encore dans le menu
les défaites les plus creuses

les morts s’enchaînent pourtant
bloquant les portes
et laissant le téléphone sonner
avec une indifférence imperturbable

il faudra souvent revoir la leçon
la réviser dans tous les journaux
ajuster sa voix, trier les mots
parmi les cadavres
et les indulgences

Christian Girard (c) 2014

samedi 26 avril 2014

L' IRRIGATION DES SOLITUDES



J'aspire à me nourrir de voix tenues pour mortes. C'est un aliment comme un autre quand on veut se tenir debout parmi les désastres. Mes kilos de viande en réclament. Mon sang muet s'agite à leur approche et le vent sur ma peau soudain se fait plus lourd, comme un cuir nouveau découpé sur le dos d'une race éteinte.

Christian Girard (c) 2014

samedi 1 mars 2014

APPELER LES MONSTRES



Je suis né d’une indigestion des limbes
à deux pas d’une usine à brouillard
où ma langue mourut tout au fond d’un cri
poussée par l’étranglement du paysage

Christian Girard (c) 2014

dimanche 9 février 2014

MA FATIGUE


Je passe beaucoup de temps avec ma fatigue. Elle est peu bavarde, ma fatigue. Je la connais très peu. Mais son crâne invite à la rêverie désespérée. Son crâne est un globe terrestre envahi par des centaines d’épingles piquées à différents endroits.

Ma fatigue prend la pose d’un esprit torturé, ses mains contiennent son front comme pour en éviter l’effondrement sur la table, dans son assiette ou sur son napperon graisseux. Et ses yeux se noient dans l’Atlantique Nord jusqu’à ce que je lui fasse tourner sa caboche toute ronde, fixée sur son corps d’épouvantail que plus rien ne semble secouer.

Et ses yeux se referment, saisis par le tournis d’un aussi brusque tour du globe. Et c’est alors des déluges de larmes qui inondent le monde.

Ma fatigue ouvre alors ses yeux rougis de pleurs et de veilles sans fin qui me regardent, pleins de pitié, m’amuser distraitement avec sa caboche.

Ma fatigue est muselée quelque part dans un coin du tiers-monde et ses bras font des gestes lents de marée noire ensevelis sous les manches d’un vieux manteau de quêteux. Je sais qu’elle essaie de me dire d’arrêter de lui faire tourner la tête et d’aller me rasseoir calmement à ma place.

Et nous passons ainsi de longues heures, ma fatigue et moi, assis à ma table, en silence, à répéter ce petit manège, cette envie de tuer le temps.

Christian Girard(c)2014

dimanche 26 janvier 2014

Matin des vidanges


le soleil en voit de toutes les couleurs
de ces matins lourds, mais celui là
rongeait les os de l’attente comme jamais
les souvenirs nuisaient à l’ambiance
le silence était de trop et les fleurs
séchaient devant l’impatience
de tous mes rêves fâchés noirs

dans les frondaisons pourries de l’hiver
je donnais la claque à cet ange en pleurs
et qui saignait des plumes pour dessiner
un semblant de suaire avec ta face dedans
 Christian Girard (c) 2012