samedi 26 avril 2014

L' IRRIGATION DES SOLITUDES



J'aspire à me nourrir de voix tenues pour mortes. C'est un aliment comme un autre quand on veut se tenir debout parmi les désastres. Mes kilos de viande en réclament. Mon sang muet s'agite à leur approche et le vent sur ma peau soudain se fait plus lourd, comme un cuir nouveau découpé sur le dos d'une race éteinte.

Christian Girard (c) 2014

samedi 1 mars 2014

APPELER LES MONSTRES



Je suis né d’une indigestion des limbes
à deux pas d’une usine à brouillard
où ma langue mourut tout au fond d’un cri
poussée par l’étranglement du paysage

Christian Girard (c) 2014

dimanche 9 février 2014

MA FATIGUE


Je passe beaucoup de temps avec ma fatigue. Elle est peu bavarde, ma fatigue. Je la connais très peu. Mais son crâne invite à la rêverie désespérée. Son crâne est un globe terrestre envahi par des centaines d’épingles piquées à différents endroits.

Ma fatigue prend la pose d’un esprit torturé, ses mains contiennent son front comme pour en éviter l’effondrement sur la table, dans son assiette ou sur son napperon graisseux. Et ses yeux se noient dans l’Atlantique Nord jusqu’à ce que je lui fasse tourner sa caboche toute ronde, fixée sur son corps d’épouvantail que plus rien ne semble secouer.

Et ses yeux se referment, saisis par le tournis d’un aussi brusque tour du globe. Et c’est alors des déluges de larmes qui inondent le monde.

Ma fatigue ouvre alors ses yeux rougis de pleurs et de veilles sans fin qui me regardent, pleins de pitié, m’amuser distraitement avec sa caboche.

Ma fatigue est muselée quelque part dans un coin du tiers-monde et ses bras font des gestes lents de marée noire ensevelis sous les manches d’un vieux manteau de quêteux. Je sais qu’elle essaie de me dire d’arrêter de lui faire tourner la tête et d’aller me rasseoir calmement à ma place.

Et nous passons ainsi de longues heures, ma fatigue et moi, assis à ma table, en silence, à répéter ce petit manège, cette envie de tuer le temps.

Christian Girard(c)2014

dimanche 26 janvier 2014

Matin des vidanges


le soleil en voit de toutes les couleurs
de ces matins lourds, mais celui là
rongeait les os de l’attente comme jamais
les souvenirs nuisaient à l’ambiance
le silence était de trop et les fleurs
séchaient devant l’impatience
de tous mes rêves fâchés noirs

dans les frondaisons pourries de l’hiver
je donnais la claque à cet ange en pleurs
et qui saignait des plumes pour dessiner
un semblant de suaire avec ta face dedans
 Christian Girard (c) 2012

mercredi 4 septembre 2013


À Albert Ayler

Fresque de bruits qu'on froisse
brûlant désir de rompre la chaîne
de mettre au pas enfin le monde
de mettre au monde enfin
le cri de l’esclave

prière obscure
et vierge noire

Christian Girard





jeudi 25 juillet 2013

PIEDS NUS DANS L'AUGE


Nous ferons de ces lieux
le noir sanctuaire de nos représailles

et le pétrole y aura pour nous
une odeur quelconque d’éternité

Christian Girard (c) 2013

mardi 23 juillet 2013

Le tiroir aux horreurs


me dénouer
me défaire à l’os
secouer ce squelette 
qui traîne dans ma tête 
enchevêtré comme après un viol

se fera sans mots
dans le grincement fou d'un cri 
que je n'attends plus

Christian Girard (c) 2013