mercredi 4 juillet 2012

Mes histoires de peur


Mes histoires de peur
font le tour de la cuisine
et là-haut font des cercles
en suivant les sillons
très constants
de la même
routine

et ça tourne dans les airs
tout autour de moi
comme des chauves-souris
qui plafonnent
au plafond

Mes histoires de peur
sont des ombres chinoises
taillées sur mesure
pour l’invasion du monde
et qui ne feront
jamais un malheur
dans les cinémas
avec leurs scénarios
sans musique
ni effets spéciaux

juste du vrai plate
noyé dans la lumière grise
d’un jour gris
et le bruit du frigidaire
qui donne la mesure
à tout ceci

Christian Girard (c) 2012

Les rutilances du jour


Les rutilances du jour
forment un bûcher
sur le terre des hommes
des femmes et des enfants

les rutilances du jour
il n’y a que moi qui les vois
répandre leurs éclats de feu
partout sur le monde

le jus de leur lumière
éclate comme un citron
qu’on écrapoutit
contre le mur du réel

les rutilances du jour
ont beau brûler à l’os
il n’y a rien à faire
il n’y a que moi qui les vois

Christian Girard (c) 2012

Poèmes pour torturer le temps


Un jour 
je m’ennuierai
je prendrai la rouille
pour toujours

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Dans la farine
où l’on me roule
le galop lent des heures
m’éclabousse
et me fait paraître 
encore plus blanc 
qu’un fantôme
dans un mauvais rêve
d’enfant


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Viande en poudre aux pourceaux diplômés

mâchée tendrement piétinée d’abord

galop des études ombre du doute
tête d’affiche et viol d’enfant
intérieur

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Dans les vastes machinations du désir
les lettres de suicides vont parfois 
beaucoup plus loin que nous

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Encore une fois 
je me disloque
à la recherche 
des mots

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On lui avait dit
un jour 
qu’il fallait vivre 
chaque jour 
comme si 
c’était le dernier 

conséquemment 
il ne voyait aucun intérêt 
à commencer quoi que ce soit


Christian Girard (c) 2009-2012


lundi 14 mai 2012

Je suis le bonze en érection
et le postillon du vide
avec dans le crâne
un cadavre à choyer

Christian Girard (c) 2000

LA PIRE DÉFAITE



 Quand mes rêves s’ennuieront
en berçant le poids de mon absence
laissez-les se pendre à du fil à retordre

Quand je balbutierai
le contour de son fantôme
dans le musée de cire de mes souvenirs
mettez-y le feu
parlez moi d’autres choses
autour d’une table où mes convives
boufferont du phénix
au goût de cendres

Quand je vous dévoilerai ma solitude
comme un esclave au marché aux esclaves
assommez-la et portez-la sur un brancard rouillé
aux pieds des propriétaires du reel

Quand l’immensité m’aura étranglé
avec ses mains de déserts et de platitudes
dispersez, je vous en prie, ma carcasse
aux rayons de l’oubli
dans des bibliothèques en faillite
et consignez ma douleur
dans un Pawn shop d’espérance

Quand mes climats se seront détraqués
à force d’avoir voulu mesurer le vent
muselez mon regard avec des murs
aux couleurs d’infini
d’un ailleur paisible et sans artifices

Quand mes cauchemars se feront habitables
dans une grille horaire aux cadences dictées
par l’engrenage des jours, laissez pourrir l'espoir
dans mes mains sèches et tremblantes
et riez jaune devant ce spectale

Quand des ellipses me pollueront la gorge
et que ma mémoire n’aura plus de voix
laissez-moi seul
à murmurer dans mes décombres
qu’elle était belle
mon existence
avant tout ça

Christian Girard (c) 2006



mercredi 9 mai 2012

Sans titre ni rien

Avec ce long cri
qui traverse en courant
les couloirs de mon sang
et sème enfin l'émeute
au coeur de ma viande

je n'ai rien
d'un appel au calme

Christian Girard (c) 2012

mercredi 28 mars 2012

Garochage #7 (à propos de moi vs le monde)


J’aurais pu me taire
tout laisser tomber
voir enfin fleurir
aux bouts de mes nerfs
ce gros bouquet tendu
de portes battantes

J’aurais pu m’éclore
tout quitter
m’enliser dans le décor
avec le monde à mes pieds
comme un caillou dans mon soulier

J’aurais pu me taire
ne plus rester
m’improviser fantôme
voir le monde entier
comme un film
sans moi dedans

Je vais tout simplement partir
dans un grand rire
toucher ce pôle
qui me fait tant rêver


Un grand pôle 
tout blanc
jouant très bien son rôle
de bout du monde


Qu’il soit du nord ou du sud
cela m’importe peu
pourvu qu’il me soit
vaste enclos de solitude
où faire aller mes pieds
clopin-clopant
dans son épais crémage
de tarte à la crème
bien écrasée
dans la gueule
du monde entier

Christian Girard (c) 2012

mercredi 21 mars 2012

Limbes


Elle a bu les désinfectants du cœur
les flacons les moins chers en ville
et s’est mise à rêver 

parmi les carcasses
de ses chiens morts  






 Christian Girard (c) 2012

jeudi 15 mars 2012

OUVRIR LES YEUX (Julien Torma)

Écrire quand on n'y voit plus
manger du pain chaud
appeler un ami du bout de la rue
sortir du cinéma à midi
être surpris au bord de la mer par une éclispe
recueillir la pluie
sur d'immenses feuilles de buvard rose
allumer des feux le long des routes
& surtout
oublier ses lettres
oublier son nom
oublier comme on sourit en pensant à autre chose.

Julien Torma (c) 1925 
Le Grand Troche
Éditions Allia
1988

lundi 5 mars 2012

Ode à la nuit

C'est la nuit parfaite
la nuit la plus longue
la nuit des temps
la nuit américaine
la nuit des nuits
la nuit du meurtre
la nuit des vidéos
la nuit des longs couteaux
où tous les chats
sont gris

la nuit où je dors
la nuit où je mens
la nuit des morts
vivants

Christian Girard (c) 2012

dimanche 4 mars 2012

My Father and I and Billy Two Rivers (poème de Paul Muldoon)


Our favoured wrestler, the Mohawk Indian.

We would sit in the local barber shop-
'Could he not afford a decent haircut?'-
to watch him suffer the slings and arrows
of a giant Negro who fought dirty.

The Negro's breath-taking crotch-hold and slam
left all of us out for a count of ten.

The barber knew the whole thing was a sham.

Next week would see Billy back on his feet
for one of his withering Tomahawk Chops
to a Britisher's craw,


                            dusting him out
of the ring and into the wide-mouthed crowd
like a bal of tea at the Boston Tea Party.

(c) Paul Muldoon, Quoof, 1983

2 aventures de Konnar le barbant oubliées et retrouvées et à peine modifiées (pas finies)

1.

Konnar le barbant
a la nette impression
que son libre-arbitre
est vendu à l'adversaire.

Alors, il le hue
à s'en cracher les poumons
tout en sachant bien
qu'il ne peut en rien
influencer le résultat final.

Mais,
reconnaît-il,
cela fait du bien
sur le coup.


2.

Konnar le barbant
dans son lit sur le dos
ouvre largement ses mains
en direction du plafond,
les doigts tendus tout raides
qu'il regarde fixement.

Il voit ses avant-bras
du coude aux ongles
se transformer
en palmiers.

Parfois
il hallucine
Robinson Crusoë
s'appuyant le dos
sur l'un d'eux
et relisant
avec angoisse
un avis d'expulsion.

Christian Girard (c) 2006




jeudi 1 mars 2012

Dans le vent


Tous les jours
me casser la tête
qui s’effrite et neige
petits flocons d’os

Christian Girard (c) 2012

jeudi 2 février 2012

Garochage #6


Sa folie n’est plus ce qu’elle était
elle erre aveugle et sans prophétie
écumant les saisons sans rien dire
et brossant des portraits sans substances

on la voit souvent chercher ses mots
sur une île au milieu de son sang

Christian Girard (c) 2012

Et nous serons sans mots


La viande avariée
de nos rêves
nous fera vomir
d'étranges cris mûrs

Christian Girard (c) 2012 

dimanche 29 janvier 2012

THE UNHOLY MISSONS (Bob Kaufman)


I want to be buried in an anonymous crater inside the moon.

I want to build miniature golf courses on all the stars.

I want to prove that Atlantis was a summer resort for cave
            men.

I want to prove that Los Angeles is a practical joke played
            on us by superior beings on a humorous planet.

I want to expose Heaven as an exclusive sanitarium filled
            with rich psychopaths who think they can fly.

I want to prove that the sun was born when God fell asleep
            with a lit cigarette, tired after a hard night of judging.

I want to prove once and for all that I am not crazy.


Bob Kaufman (c) 1965
Solitudes crowded with loneliness

mardi 24 janvier 2012

Garochage #5


Le soir parfois
crever ses yeux
s’éventer l’âme à la manière
d’un pepsi chaud
décapsulé
et boire enfin ce qui le rend
si imbuvable

crever ses yeux tous les dimanches
et les lundis les mardis les mercredis
les jeudis vendredis samedis
les jours fériés la mort aux trousses
laisser couler l’encre des yeux
sur ses joues sales

s’ouvrir enfin les yeux
littéralement
avec un jour peut-être
la plume exacte et précise
au moment de l’incision
et qui boira jusqu’au fond du sang
ce qu’il en coûte
d’écrire un peu de lumière

mais il n’a pour l’instant
qu’un stylo bic jetable
et tout baveux

et très froid aux yeux 

Christian Girard (c) 2012

samedi 7 janvier 2012

Garochage #4 (petite fantaisie)


M’enfoncer
dans dada
glugluglu
glouglouglou
jusqu’au cul
jusqu’à quoi
jusqu’au cou
glaglagla

m’enfoncer
dans dada
mais pour qui
mais pourquoi
7 milliards
ça fait quoi
mais ça fait
du caca
du carbone
ahlala
c’est pas cool
ça

dadada
je te choque
tu me choques
on fait quoi
singe
grue
mouton
mange-marde
hors-propos
tous ensemble
et en chœur
éventrons
la parole
en chantant

glugluglu
glouglouglou
glaglagla
c’est pas cool
ça

Christian Girard (c) 2012