mardi 15 mars 2011

LES DUNES (POGUÉSIES)

Marchant plus tôt sur le froid rivage
Où j’ai vu quand j’étais plus jeune
Se faire enterrer dans le sable
Les morts de la Grande Famine

Bien qu’étant fils de médecin
Je les fixais tout ébahi
Emportés par ce mal de chien
Qui venait avec la Famine

J’ai tout vu ça à quatre ans d’âge
En dix-huit-cent-quarante-sept
Ces dunes dressées sur le rivage
Touchant le ciel de leurs crêtes

Le vent, la pluie les ont travaillées
Les dunes se sont écroulées
Les enfants les ont piétinées
Et les os se sont révélés

Mes frères et mes soeurs sont tous morts
Ma mère à l’âge de vingt-quatre
Et moi, seul survivant, j’ai pu voir
Se remplir les champs d’patates

Volant le grain tandis qu’on crevait
Pour le mettre sur leurs tables
Les mourants couvraient les morts de sable
Et dansaient tant qu’ils le pouvaient

Nous buvions tant que jouait l’violon
Et mangions les dernières baies
Puis le chapelet, génuflexions
Près d’ceux qu’on v’nait d’enterrer

J’ai vu des ombres surgir du sable
Et danser tout autour des dunes
Danser des claquettes macabres
Sur le rythme de tristes tounes

Le ciel s’est déchiré dans un éclair
La pluie sur les dunes est tombée
Laissant là où je les ai tués
L' huissier et le propriétaire
Je suis parti boire un verre

Shane MacGowan (c) 1995
Traduction  : Christian Girard (2011)


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